Où je pense (II)

 

 

 

Pour mieux dire au lecteur sa façon de penser,

l’auteur a ajouté quelques citations en regard de ses aphorismes.

 

PENSÉES ÉPARSES

 

 

 

Accident

Il s’est heurté à un refus

de priorité.

 

 

 

Animal de compagnie

Depuis qu’il avait recueilli

un ver solitaire,

il se sentait moins seul.

 

 

 

L’apothicaire qui compte

Ma pharmacienne, madame Placebo,

a la plus belle vitrine, le plus beau magasin ;

elle sert les meilleurs médicaments de la ville…

Et comme ses médicaments,

je dois avouer

qu’elle me fait de l’effet.

 

 

 

Astrologie

Je suis cancer,

ascendant prostate.

 

 

 

Biopsie 

Pour connaître votre avenir,

vous avez le choix

entre la voyante qui regarde

dans sa boule de cristal,

et le biologiste qui observe

dans son microscope.

 

 

 

Brève et improbable rencontre

La midinette à l’anachorète :

« Il y a quelqu’un

dans votre vie ? »

 

 

 

Chemin de plomb

Polis, érodés

par le train quotidien,

périmés comme

une vieille carte orange :

ce sont les usagés du R. E. R.

 

 

 

Courte échelle

Les fonctionnaires

au plus bas de l’échelle

menacent de porter plainte

pour mauvais traitement.

 

 

 

Cuisine et indépendance

Si le général de Gaulle

ne s’était pas opposé vigoureusement, à la Libération,

au projet de protectorat américain (AMGOT)*,

il y aurait, au pays des grands vins et de la bonne chère,

des McDonald’s

à tous les carrefours.

 

 

 

* « Dès 1941-1942, Washington avait prévu d’imposer à la France – comme aux futurs vaincus, Italie, Allemagne et Japon – un statut de protectorat, régi par un Allied Military Government of Occupied Territories (Amgot). Ce gouvernement militaire américain des territoires occupés aurait aboli toute souveraineté, y compris le droit de battre monnaie, sur le modèle fourni par les accords Darlan-Clark de novembre 1942. » (A. Lacroix-Riz, Le Monde diplomatique, mai 2003)

 

 

 

Droits de l’homme et du nourrisson

À peine expulsé par sa logeuse,

le nouveau-né contestataire

a alerté

le Droit au logement (DAL).

 

 

 

 

Écrans larges

À l’heure de la TNT et du satellite,

avec la multiplication des chaînes

et la participation croissante des téléspectateurs,

il y aura bientôt plus de monde

sur le petit écran

que devant.

 

 

 

                En                                                         

           Haut lieu

      La montagne,

     son Éminence,

  avec son grand air,

qui se pousse du col,

ce qu’elle peut poser !

 

 

 

Généralités

Au classement général,

c’est de Gaulle

qui arrive largement en tête.

 

 

 

Grosses coupures

Une foule en liasses se pressait

à l’entrée de la garden-party.

 

 

 

L’habit fait le moine

Son costume de location

lui donnait un air emprunté.

 

 

 

Hiérarchie vestimentaire

Comme son nom

ne l’indique pas,

le sous-vêtement

n’est pas un subalterne :

un effet secondaire.

Il fait partie du beau linge,

du dessus du panier ;

tandis que le survêtement

(le survêt, pour les intimes)

ferait plutôt mauvais effet.

 

 

 

Interception en vol

Le plus haut fait d’armes de la PAF

(Police de l’air et des frontières),

la police que le monde entier nous envie :

elle a repoussé, le 29 avril 1986,

un important nuage communiste et radioactif

en provenance de Tchernobyl.

 

 

 

La loi des séries

À force de me gaver

de séries américaines,

j’ai acquis la conviction

que tous les Yankees

se prénomment « Agent ».

 

 

 

Mauvaise parolière

Ce qu’il y a d’exaspérant

avec la colère,

c’est qu’on en maîtrise

bien la musique,

mal les paroles.

 

 

 

Mérite militaire 

Tout revers

a sa médaille.

 

 

 

Mille regretz

Si on m’avait dit

que ça vous ouvrait grand

les portes des chambres

à coucher :

j’aurais fait président.

 

 

 

Mode

Je ne suis pas la mode :

je l’attends.

 

 

 

Nouvelle franchise médicale                                                                                               

« Cancer généralisé :

je ne vous donne pas

plus de deux mois

à vivre ! »

 

 

 

Paix à nos cendres

Le célèbre Soldat inconnu :

ce pioupiou mort sous X,

qui repose en paix

sous l’Arc de triomphe

– en plein courant d’air –,

et dont on s’obstine

pourtant

à ranimer la flamme.

 

 

 

Permissivité

Quarante et une semaines

sans règles

jusqu’à l’accouchement !

Étonnez-vous, après cela,

que ça fasse des enfants

capricieux !

 

 

 

Pierre qui coule 

Malheureux comme une pierre

qui se jette à l’eau

avec un homme

au bout d’une corde.

 

 

 

Police scientifique

Le médecin de famille

avait hâtivement conclu à une mort naturelle ;

mais une expertise médicolégale des plus minutieuses

a permis de repérer

– bien enfoui entre deux globes de chair rebondie –

un minuscule orifice pouvant correspondre

à un trou de balle.

 

 

 

Rupture de stock

Je suis commandeur

de la légion d’honneur !

Mais je ne l’ai pas encore reçue.

 

 

 

Suffisance

Une demeure prétentieuse,

tapageuse :

plus un ça n’vous suffit pas ?

qu’un ça m’suffit !

 

 

 

Télégénies

Grâce à l’ultra haute définition :

une image proche de la perfection,

mais toujours autant

de parasites sur l’écran.

 

 

 

Une bonne et une mauvaise nouvelle 

On a vu des inhumés se réveiller en pleine mort…

C’est alors, que l’on regrette

vivement

de n’avoir pas pensé à emporter

l’ouvre-boîte.

 

 

 

Vents contraires

Non,

un vent de panique

n’est pas un pet foireux !

 

 

 

Verres de contact

Commencée autour d’un verre,

la soirée s’est achevée

au fond du verre.

 

 

 

Zygomatiques

Autrefois, pour se dérider,

on allait voir les clowns.

Aujourd’hui, on consulte

un chirurgien esthétique.

 

 

 

 

 

 

DIALOGUES – RÉPLIQUES

 

 

 

DIALOGUES – RÉPLIQUES

 

 

 

– N’allez pas croire…

– Je ne bouge pas d’ici !

 

 

 

– Je n’ai pas l’habitude de mentir !

– En effet : vous mentez mal.

 

 

 

– Vous êtes volontiers ironique !

– Ni l’un, ni l’autre.

 

 

 

Vous êtes très convaincant !

– J’ai du mal à le croire…

 

 

 

– « Huis clos »,

comment ça s’écrit ?

– Comme ça se prononce.

 

 

 

– Pour aller

à l’Arc de triomphe ?

– Suivez le sens inverse

des flèches.

 

 

 

– Monsieur Jack l’Éventreur,

s’il vous plaît ?

– Deuxième étage, à gauche.

Vous verrez, mademoiselle,

c’est écrit sur la porte :

« Frappez,

et l’on vous ouvrira ».

 

 

 

– Je vois, que nous avons affaire

à un multirécidiviste de la cambriole.

– En effet monsieur le juge :

j’ai quelques heures de vol.

 

 

 

– Qui a inventé le braille ?

– Je ne vois pas.

 

 

 

Bruit de forme

– Vous pourriez répéter ce que je viens de dire ?

– Excusez-moi : je n’ai pas entendu.

– Parce que vous n’écoutiez pas ?!

– Parce que vous parliez !

 

 

 

Monte-Cristo,

c’est quoi cette histoire,

Dumas ?

– Un règlement de comte.

 

 

 

Maréchal, vous voilà ?

– Mon cher Philippe,

passez donc à Londres

me faire un petit coucou !

– Je ne peux pas, Charles :

je suis occupé.

 

 

 

– Je viens pour la place de vendeur.

– Trop tard :

elle est vendue !

 

 

 

Présentations

– Voilà :

je suis marié,

père de trois enfants,

chef de projet évènementiel,

conseiller municipal,

délégué de parents d’élèves,

classé 15/2,

responsable associatif,

aquarelliste du dimanche,

pique-niqueur en herbe,

danseur de claquettes,

exhibitionniste amateur,

plombier volontaire,

sadique bénévole

et horloge parlante

à mes heures…

Et vous ?

– Moi, je suis barbu.

– Il en faut !

 

 

 

– Il est flûtiste dans un orchestre.

– Premier flûtiste ?

– Non, un sous-fifre.

 

 

 

Rien ne sert de mourir ?

– Encore en retard, Lelièvre ?

– Hélas, Monsieur le Directeur !

– Quelle excuse allez-vous inventer cette fois ?

– J’ai perdu ma mère, Monsieur le Directeur.

– Oh ! Pardonnez-moi, Lelièvre ! …

Je ne savais pas. Je suis confus. Sincères condoléances.

Nous allons faire livrer des fleurs.

– Délicate attention, Monsieur le Directeur,

mais c’est un peu tard !

Maman, cela fait maintenant une bonne dizaine d’années

qu’on l’a inhumée.

 

 

 

Traitement d’attaque

Madame, votre mari a fait un malaise cardiaque,

mais soyez rassurée :

il est toujours d’attaque !

 

 

 

– Depuis la mort de son mari,

elle est méconnaissable…

– Lui aussi.

 

 

 

Scoot toujours

– Ne pleurez pas, Valérie,

ce n’était pas

un si beau parti !

 

 

 

Adieu ma concubine

– Bon, je te quitte !

On s’appelle plus tard !

– Comme tu veux, mais moi,

je continue de t’appeler François.

 

 

 

Amuse-gueule

– Une petite décollation, Madame la Marquise ?

– Non merci, citoyen Robespierre, sans façon,

tout va très bien.

– Allons ! juste une petite coupe ?…

Le fer de l’amitié ?

 

 

 

– La rue Mendès France,

s’il vous plaît ?

– Dernière à gauche,

juste après

les rues Jean Jaurès et Léon Blum.

 

 

 

Précautions d’usage

– Je voulais vous dire…

surtout, ne le prenez pas mal :

je vous aime.

 

 

 

Les visiteuses du soir

Mesdames, vous tombez bien :

j’allais faire l’amour !

 

 

 

Âme sœur

– Allo, l’agence matrimoniale ?

– Ne quittez pas : nous recherchons

votre correspondant…

 

 

 

Rechute

– Tu te souviens du malheureux Albert

qui avait fait une tentative de suicide ?

– Parfaitement : il s’était jeté du cinquième étage.

– Et bien… il a rechuté… du cinquantième étage.

– Et il est mort !?

– Mort et enterré.

 

 

 

Proche disparu

Comme il va nous manquer,

ce cher Abel

qui vient de nous quitter ! …

Mais où courez-vous ?

– À sa poursuite :

il ne doit pas être loin !

Il a pris quelle direction ?…

 

 

 

 

 

 

DICTIONNAIRE

 

 

 

DICTIONNAIRE

 

 

 

Américain (n. m.)

Les gens heureux

n’ont pas d’histoire.

 

 

 

Camping-car (n. m.)

Aspirateur à mamies.

 

 

C. G. T. (n. f.)

Ci-gisent les travailleurs.

 

 

 

Chiwawa (ou Chihuahua) (n. m.)

Animal de compagnie

qui sait se faire tout petit.

En le coupant délicatement,

on peut choisir entre

– le wawa, plus propre,

– le chi, plus silencieux.

 

 

 

Citroën André (n. p.)

Autodidacte.

 

 

 

Collant (n. m.)

Préservatif féminin.

 

 

 

Conservatoire (n. m.)

Institut musico-légal.

 

 

 

Contrevenant (n. m.)

Qui vient contre, tout contre.

Dans le métro,

aux heures de pointe,

on ne compte plus

les contrevenants.

 

 

 

Cycliste (n. m.)

Il a pignon sur route.

 

 

 

Cyrano de Bergerac (n. p.)

Héros de cap

et d’épée.

 

 

 

Écureuil (n. m.)

De grâce,

épargnez-le.

 

 

 

Franc-maçon (n. m.)

Digne des loges.

 

 

 

Free-lance (n.) (angl.)

Pompier bénévole.

 

 

 

Guillemets (n. m. plur.)

Inséparables

et toujours séparés.

 

 

 

Jogger (n. m.) (angl.)    

Anglais courant.

 

 

 

Légiste (n. m.)    

Torture les morts

pour les faire parler.

 

 

 

Mage (n. m.)

Gaspard, Balthazar

et Melchior

– le vieillard à cheveux blancs :

le troisième mage.

 

 

 

Maison de retraite (loc.)

Où l’on est nourri, logé,

blanchi.

 

 

 

Mondaine (la) (n. f.)

Brigade du stupre.

 

 

 

Navigation (n. f.)

De plaisance

ou de complaisance.

 

 

 

Né sous X (loc.)                                               

Incident de tournage.

 

 

 

Obèse (adj. et n.)

Mal en chair.

 

 

 

Obséquieux (adj.)

Obséquieux

comme un croque-mort.

 

 

 

Oxyure (n. m.)

Triste ver nématode

qui croupit

dans le trou du cul du monde.

 

 

 

Paresse (n. f.)

 

 

 

Penseur (n. m.)

Il ne sait que penser.

 

 

 

Plate-forme (n. f.)

Voisine de palier.

 

 

 

Poil lourd (néolog.)

Chauffeur routier.

 

 

 

Poilu (n. m.)

Bête de Somme.

 

 

 

Prostituée (n. f.)

Personne à contacter

en cas de désir.

 

 

 

Psyché (n. f.)

Juge de courbes.

 

 

 

Saut à l’élastique (loc.)

Estrapade à la gomme.

 

 

 

Se manifester (v. pron.)

Défiler

pour manifester sa présence.

 

 

 

Transsexuel (n.)

La Possibilité d’un « elle ».

 

 

 

Unijambiste (n.)

A déjà un pied

dans la tombe.

 

 

 

Vague (n. f.)

Briseuse de grève.

 

 

 

Viagra (n. p.)

Médicament

pour l’hypertension.

 

 

 

Whisky (n. m.) 

Mot emprunté à l’écossais

– ce qui n’est pas

un mince exploit.

 

 

 

§

Lettre anonyme.

 

LA GUERRE

 

 

 

 

LA GUERRE – LE FEU AUX POUDRES

 

 

 

Je déclare la guerre ouverte !

 

 

 

La guerre,

c’est quand la paix éclate.

 

 

 

Ça fait du bien quand ça commence !

 

 

 

 

LA GUERRE – LA GUERRE D’INDÉPENDANCE

 

 

 

Il y a des moments où l’on a

terriblement

envie

d’être

seul.

 

 

 

 

LA GUERRE – RECHERCHE DES CAUSES AYANT ENTRAÎNÉ LA GUERRE

 

 

 

« La guerre, le seul divertissement des rois… où les peuples aient leur part. » (H. Janson, Fanfan la Tulipe, Dialogue du film)

 

 

 

La guerre,

ce n’est qu’un jeu

– un simple divertissement de plein air –

qui a mal tourné.

 

 

 

« On part Dieu sait pour où ça tient du mauvais rêve                                                                                                                                                     On glissera le long de la ligne de feu                                                                                                                                                                       Quelque part ça commence à n’être plus du jeu                                                                                                                                                            Les bonshommes là-bas attendent la relève »                                                                                                                                                                  (L. Aragon, Le Roman Inachevé, La Guerre et ce qui s’ensuivit, Tu n’en reviendras pas, Gallimard)

 

 

 

La guerre :

pour réveiller la Mort,

quand elle aurait tendance

à s’endormir

sur ses charniers.

 

 

 

L’ordre des choses :

une longue paix

pour épargner les hommes,

une bonne guerre

pour les dissiper.

 

 

 

« Donc, pas d’erreur, ce qu’on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C’était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux… » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

La vie a besoin,

de temps en temps,

d’une bonne dévaluation.

 

 

 

 

LA GUERRE – CELLE DE 14-18

 

 

 

Août 1914 :

ouverture

d’une grande boucherie.

Les petits commerçants

sont dans la rue.

 

 

 

« Qui aurait pu prévoir avant d’entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes. À présent j’étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu… Ça venait des profondeurs et c’était arrivé. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

En attendant la relève,

les soldats tombent,

tombent, tombent…

Ne se relèvent plus.

 

 

 

En ce temps-là,

sous le déluge,

un soldat,

ça ne faisait pas long feu.

 

 

 

« Le jour ! Un de plus ! Un de moins ! Il faudrait essayer de passer à travers celui-là encore comme à travers les autres, devenus espèces de cerceaux de plus en plus étroits, les jours, et tout remplis avec des trajectoires et des éclats de mitraille. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

Le Chemin des Dames :

la grande duperie,

le formidable traquenard !

Une seule Dame, en fait

– bien lasse

et guère engageante –,

pour deux cent mille hommes.

 

 

 

Fermeture pour inventaire

Novembre 1918 :

dernières bombes, derniers obus,

dernières salves,

dernières cartouches…

La guerre tire à sa fin.

 

 

 

« L’air est plein d’un terrible alcool                                                                                                                                                                                Filtré des étoiles mi-closes                                                                                                                                                                                                      Les obus pleurent dans leur vol                                                                                                                                                                                            La mort amoureuse des roses. »                                                                                                                                                                                        (G. Apollinaire, Poèmes à Lou, Roses guerrières)

 

 

 

 

LA GUERRE – GUEULES DE BOIS

 

 

 

Les Gueules cassées :

enfants maudits de la victoire

ou accidentés de la déroute.

 

 

 

Ah ! la vaisselle

des lendemains de guerre !

 

 

 

La guerre,

certains en réchappent,

mais personne n’en revient.

 

 

 

« Les soldats qui défilent sous les arcs de triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. » (J. Giraudoux, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Gallimard)

 

 

 

En l’an de grâce 1918,

il n’aura guère rapporté,

l’impôt sur le revenu.

 

 

 

« Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles

Jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu

Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus

Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille

Qu’un obus a coupé par le travers en deux… »

(L. Aragon, Le Roman Inachevé, La Guerre et ce qui s’ensuivit, Tu n’en reviendras pas, Gallimard)

 

 

 

 

 

LA GUERRE – SAINE OCCUPATION

 

 

 

De sa plus belle plume

de corbeau,

écrire de belles lettres

anonymes :

voilà une saine occupation !

 

 

 

« Les meilleures choses

ont une fin… »,

comme me le disait

si justement

un proche collaborateur,

en ce bel été 1944.

 

 

 

Nous vous saurons

toujours gré,

notre Général,

d’avoir résisté.

Résisté aux allemands,

voisins envahissants,

touristes au pas de l’oie.

Résisté aux alliés,

trop pressés

de renvoyer la France

à son occupation.

 

 

 

Une résistance à toute épreuve

Il fallait être résistant !…

Pour résister à l’occupant,

pour résister à la torture,

pour résister à la collaboration,

pour résister à la Libération.

 

 

 

« Une fiancée avec un enfant de sept ans ?… — La guerre ! — Tu m’avais dit qu’elle « résistait ». — La résistance a des limites. On ne peut pas être de jour et de nuit. » (M. Audiard, Poisson d’avril, D. Grey, P. Dux, Audiard par Audiard, Édit. René Chateau)

 

 

 

Terroriste (n. m.).

Ancien nom du résistant.

 

 

 

« Nous voulons vaincre pour être justes. » (G. Clemenceau, Déclaration ministérielle 1917)

 

 

 

À présent

que l’amitié franco-allemande

est devenue le pilier de la construction européenne,

que les dirigeants des deux prestigieuses nations

se prennent par la main et se disent des mots doux ;

il est grand temps de réhabiliter ces précurseurs

qui, dès 1940, dans une époque tourmentée,

ont jeté les bases de cette fructueuse et indéfectible

collaboration

entre la patrie de Molière et celle de Goethe.

 

 

 

 

LA GUERRE – L’ARMÉE

 

 

 

Hors de l’Église et de l’Armée,

point de salut.

 

 

 

Service non compris

Quoi ?

Servir la Patrie ?

Elle n’est donc pas assez grande

pour se servir toute seule ?

 

 

 

« On ne conçoit plus à mesure que la guerre s’allonge d’individus suffisamment dégoûtants pour dégoûter la Patrie. Elle s’est mise à accepter les sacrifices, d’où qu’ils viennent, toutes les viandes la Patrie… Elle est devenue infiniment indulgente dans le choix de ses martyrs, la Patrie. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

La guerre :

drame de la discipline.

 

 

 

« Ah ! nos petits soldats, remarquez-le, et dès les premières épreuves du feu ont su se libérer spontanément de tous les sophismes et concepts accessoires, et particulièrement des sophismes de la conservation. Ils sont allés d’instinct et d’emblée se fondre avec notre véritable raison d’être, notre Patrie. Pour accéder à cette vérité, non seulement l’intelligence est superflue, Bardamu, mais elle gêne. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

Ôtez les uniformes,

la guerre n’a plus de sens.

 

 

 

 

LA GUERRE – LA PEUR AU FUSIL

 

 

 

« Serais-je le seul lâche sur terre ? pensais-je. Et avec quel effroi !… Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

Héros ou déserteur…

la mort est exemplaire.

 

 

 

Oser !

Oser braver

les consignes de bravoure !

 

 

 

« Y a que la bravoure au fond, qui est louche. Être brave avec son corps ? Demandez à l’asticot aussi d’être brave et pâle et mou, tout comme nous. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

Qui ignore la peur,

est-il un héros,

ou un ignorant ?

 

 

 

« Notre colonel, il faut dire qu’il manifestait une bravoure stupéfiante ! Il se promenait au beau milieu de la chaussée parmi les trajectoires aussi simplement que s’il avait attendu un ami sur le quai de la gare. (…) Le colonel, c’était donc un monstre ! À présent, j’en étais assuré, pire qu’un chien, il n’imaginait pas son trépas. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

 

LA GUERRE – LE PLEIN RÉGIME

 

 

 

Grâce à la mobilisation

de tous

– l’effort de guerre –,

la production industrielle,

la recherche, la croissance

font un formidable

bond en avant !

Et l’homme donne enfin

son plein rendement

– le meilleur de lui-même.

 

 

 

 

LA GUERRE – FRATERNISATION

 

 

 

Ils ont fait fusiller

un dangereux pacifiste

pour intelligence

avec l’ennemi.

La guerre

ne tolère pas l’intelligence.

 

 

 

 

LA GUERRE – BELLICISME

 

 

 

Un sale métier*

Pourquoi juger les « criminels de guerre » ?

Pourquoi pénaliser la guerre ?

Voici le temps des assassins.

Pourquoi condamner le pillage et le viol

– les deux mamelles de la guerre ?

Pourquoi dénoncer la torture :

les sévices toujours compris ?

Pourquoi cette épuration, ce grand nettoyage ?

Pour une guerre plus décente, plus propre, plus éclatante :

la guerre en gants blancs et tenue d’apparat ?

Où l’on est prié de prendre les patins

avant d’envahir ;

où l’on massacre sans entrain,

ravage avec modération,

extermine sans hostilité ? …

Une guerre acceptable

qu’on déplore mais ne refuse pas. **

Comme sur les quais du départ,

agitant leurs blancs mouchoirs,

les veuves de gare.

 

 

*« Je fais un sale métier, c’est vrai ; mais j’ai une excuse : je le fais salement. » (G. Darien, Le Voleur)

 

**« Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus, moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

« Les mères, tantôt infirmières, tantôt martyres, ne quittaient plus leurs longs voiles sombres non plus que le petit diplôme que le Ministre leur faisait remettre à temps par l’employé de la mairie. En somme, les choses s’organisaient. » (L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard)

 

 

 

 

LA GUERRE – NOUVELLE FORMULE

 

 

 

La guerre humanitaire

Pour remédier

à la pénurie d’ambulances

et optimiser

la prise en charge des blessés,

désormais,

on bombarde directement les hôpitaux.

Ce que les spécialistes appellent

« des frappes chirurgicales ».

 

 

 

 

LA GUERRE – DANS LE DÉSORDRE DES CHOSES

 

 

 

On s’écharpe, on se massacre,

on se trucide

allègrement.

Puis on fait la paix.

On efface tout…

et l’on recommence.

Nouvelle partie.

« Balles neuves ! »

 

 

 

La force tranquille

Si la guerre a si bien résisté à travers les siècles

aux plus redoutables épreuves ;

si elle a échappé à la vindicte non-violente,

repoussé l’hérésie fraternitaire,

survécu à la terreur pacifiste,

vaincu tous les peine-à-mourir,

les hommes de mauvaise volonté…

C’est qu’elle a l’invincible force :

la force de la Nécessité.

 

 

 

« La guerre est divine en elle-même, puisque c’est une loi du monde. » (J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg)

 

 

 

 

LA GUERRE – L’APRÈS-GUERRE

 

 

 

Quand la guerre, nulle part,

n’attirera plus les foules,

quand on ne fera plus

que des déclarations d’amour

ou d’impôts…

on verra les marchands de canons

se reconvertir dans la fabrication

d’armes de paix.

 

 

 

Venu trop tard au monde,

après les plus belles hécatombes,

je n’aurai pas eu

les honneurs de la guerre.

 

 

 

« Où sont-ils ces beaux militaires                                                                                                                                                                              Soldats passés Où sont les guerres                                                                                                                                                                                    Où sont les guerre d’autrefois »                                                                                                                                                                                          (G. Apollinaire, Calligrammes, Étendards, C’est Lou qu’on la nommait)

 

 

 

Héros d’un monde sans guerre,

mortellement paisible,

le tueur en série :

la Winchester des assassins

– le criminel de paix.

 

 

 

Vivement la guerre !

qu’on vive un peu !

 

 

 

« Ah Dieu ! que la guerre est jolie                                                                                                                                                                                            Avec ses chants, ses longs loisirs »                                                                                                                                                                                      (G. Apollinaire, Calligrammes, Lueurs des tirs, L’Adieu du cavalier, Gallimard)