ÇA NE DURERA PAS

 

Lolo et Joujou, devant un verre, à certaine heure pâle de la nuit, avec des problèmes d’hommes, simplement des problèmes de mélancolie*.

Joujou de plus en plus mélancolique, et Lolo de plus en plus inquiet.

 

JOUJOU

On a encore enterré une vieille au village…

 

LOLO

Elle était presque centenaire !

 

JOUJOU

J’ai 40 ans, Jojo, mes plus belles années sont derrière moi… Et à l’heure du bilan, je n’ai toujours pas de femme, pas d’enfant, pas d’emploi…

 

LOLO

Joujou !

 

JOUJOU

Lolo, la vie ne sait pas dire oui !

 

LOLO

Joujou !

 

JOUJOU

Et la mort, la mort elle, ne sait pas dire non.

 

LOLO

Joujou ! Qu’est-ce qui t’arrive ?

 

JOUJOU

Alors, je me dis qu’il faudrait peut-être en profiter !

 

LOLO

Profiter de quoi, Joujou ?

 

JOUJOU

Profiter de la mort, pendant qu’elle est encore donnée à tout le monde ! Déjà elle hésite, elle diffère : combien de centenaires !

 

LOLO

Joujou !!

 

JOJOU

Profiter ! Ça ne durera pas ! (Il se lève, disparaît)

 

LOLO

Joujou ! Où tu vas ? Où tu vas, Joujou ??

 

 

 

 

*« Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles à certaines heures pâles de la nuit (…) avec des problèmes d’hommes, simplement des problèmes de mélancolie.  Alors, on boit un verre, en regardant loin derrière la glace du comptoir. Et l’on se dit qu’il est bien tard… »

(Richard, Léo Ferré)

Abel Castel, septembre 2021